(suite…)Après plus de 50 jours de gesticulation présidentielle, la nomination de Michel Barnier ne résoudra rien à une crise politique majeure résultant de la lente dérive autocratique de la pratique institutionnelle.
Catégorie : Politique
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Crise institutionnelle de l’été 2024: le moment Mendès
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Pour un gouvernement de transition démocratique minoritaire à durée limitée
Depuis un mois, les électeurices ont exprimé très clairement leur rejet de la politique autocratique d’Emmanuel Macron, et les électeurices du Nouveau Front Populaire ont clairement exprimé leur volonté d’union autours d’un programme de rupture et de renouveau démocratique… Ça, nous le savions.
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Petite leçon d’histoire: la Grande Coalition
Fil Twitter reproduit ici en intégralité, mis en forme, complété et corrigé, en complément à l’article publié ce jour)
Le passé: la « troisième force »
Dans notre histoire, la « grande coalition », on a déjà essayé. Entre 1947 et 1958. Cela s’appelait la « troisième force » et excluait les gaullistes (qui s’opposaient à la constitution votée en 1946) et les communistes (ostracisés par les autres partis et eux même s’excluant de toute participation gouvernementale pour cause de guerre froide), allait de la droite non-gaulliste aux socialistes, formant les gouvernements de la 4e république.
La « troisième force » était ce que De Gaulle appelait un « régime des partis » (ce que le FNRN appelait UMPS des années 90 aux années 2010), une coalition hétéroclite gérant essentiellement le statu-quo et incapable de prendre de réelles décisions lors des crises majeures car son fonctionnement même la rendait plus influençable aux différents lobbys – le lobby colonial notamment.
Composée d’une dizaine de petits partis coalisés autours des trois grands partis structurés (Radicaux, centristes MRP et Socialistes SFIO), ses gouvernements tombaient régulièrement au gré des difficultés rencontrées pour finir avec de nouveaux gouvernements composés des mêmes ministres à un rôle différent. Chaque gouvernement, penchant tantôt à droite, tantôt à gauche, pratiquait en définitive la même politique avec les mêmes hommes.
François Mitterrand était de ces hommes politiques appartenant à de petits partis. Le siens était l’USDR, parti politique charnière nécessaire à la constitution de tout gouvernement, classé, pour l’époque, plutôt au centre-droit.Le seul premier ministre (appelé alors « Président du Conseil ») à avoir tenté de réellement gouverner et prendre des décisions fortes fut Pierre Mendès-France qui, durant 7 mois, jusque début 1955, sut mettre fin à la guerre en Indochine avant de tomber lors de l’éclatement de la guerre en Algérie, suspecté jusque dans son propre parti de « vouloir négocier avec les terroristes ».
Les 7 mois de son gouvernement ont impressionné la jeunesse mais n’ont en rien changé le cours des choses pour les combinaisons de « la troisième force ».« Le centre, c’est la droite »
La « troisième force » était mue par les petites ambitions de politiciens sur le retour ou d’apparatchiks. En 1956, alors qu’une coalition de gauche dite de « Front Républicain » sortit victorieuse des élections pour faire des réformes sociales et mettre fin à la guerre en Algérie, le Président du Conseil socialiste Guy Mollet envoya le contingent en Algérie et interdit les célébrations du 14 juillet à cause de la « menace terroriste »! Le gouvernement ferma les yeux sur les cas de torture rapportés par la presse – qui parfois fut même frappée de censure au nom de « la sécurité nationale ».
Les électeurices, dans leur très grande majorité, avaient voté en pensant que Mendès-France serait nommé Président du Conseil.
Le parti socialiste SFIO perdit des militants, parmi lesquels le jeune Michel Rocard qui, avec d’autres, fonda le PSA puis PSU, en opposition à la guerre coloniale.En 1958, alors que les gouvernements successifs avaient enlisé la France dans une guerre coloniale où les socialistes s’étaient fourvoyés dans une répression brutale de toute opposition, le putsch des militaires à Alger en mai 1958 porta la crise politique à son paroxysme.
Le 13 mai 1958, les militaires lancèrent un ultimatum et réclamèrent De Gaulle ainsi que le maintien de l’Algérie dans l’ « empire ».
Les différents partis refusèrent d’abord avant d’accepter car plus personne n’était en mesure de décider. Ce fut la fin de la 4e république.De Gaulle devint Président du Conseil, demanda les pleins pouvoir pour six mois et avant même de s’occuper de l’Algérie, confia à Michel Debré la tâche de rédiger une nouvelle constitution. La 5e république fut approuvée par référendum en octobre 1958 et entra en vigueur en janvier 1959. Il fut nommé Président.
Lors de la prise de pouvoir par De Gaulle, les forces politiques de « troisième force » protestèrent puis négocièrent leurs postes. Le socialiste Guy Mollet participa ainsi à la rédaction de la nouvelle constitution malgré une forte opposition du peuple de gauche et de Mendès-France.
C’est de l’opposition entre un parcours de doctrinaire « marxiste » très à gauche et un alignement atlantiste ou sa politique coloniale que naquit l’adjectif « molletiste »: discours très à gauche, pratique de droite.Le Parti Socialiste CONTRE « troisième force »
La SFIO cède la place au Nouveau Parti Socialiste en 1969 et tient en 1971, à Épinay, son « congrès de l’unité ». Le texte final, porté par la coalition Poperen-Chevènement-Mermaz-Mitterrand (qui vient tout juste d’adhérer) et voté en opposition à la direction sortante d’Alain Savary soutenu par Guy Mollet, spécifie son rejet catégorique à tout retour à la stratégie de « troisième force » au profit de la stratégie dite « Union de la gauche »:
« il est clair qu’une majorité existe dans le parti:
– pour mener à bien la rénovation de l’action politique en France;
– pour exclure toute stratégie de troisième force. »
Motion d’orientation du Parti Socialiste adoptée par le congrès de l’unité Epinay-sur-Seine les 11-12-13 juin 1971La coalition autours de François Mitterrand défend la rédaction d’un nouveau programme socialiste basé sur la stratégie de Front de Classe (Jean Poperen) devant déboucher sur l’union avec les communistes. L’idée centrale est de mettre le Parti Communiste devant ses responsabilités. La direction sortante, quand à elle, considère que les conditions de l’union avec les communistes ne sont pas en place et qu’il convient d’abord de fédérer les forces politiques « opposées » au gaullisme.
Il s’agit d’une version rajeunie de la « Troisième Force » et ressemble à s’y méprendre à la stratégie proposée récemment par Nicolas Meyer-Rossignol, Carole Delga et Raphaël Glucksmann ou Bernard Cazeneuve. La « Troisième Force », rebaptisée « grande coalition ».Les « grandes coalitions » ne marchent pas
Alors que depuis quelques jours plane l’idée de « grande coalition », il est bon d’avoir en tête que les « grandes coalitions » ne fonctionnent pas et mènent souvent à l’impuissance avant de finir avec une poussée des mouvements d’extrême-droite.

Ainsi, on donne souvent l’Union Européenne comme un « bon exemple » avec son parlement où on bâtit les « majorités de projets », mais la défiance grandissante envers ses institutions européennes démontre que cela ne fonctionne pas.
En Allemagne, la « grande coalition » de Merkel, alliant conservateurs et sociaux-démocrates a repoussé des réformes ainsi que de nombreux investissements en imposant l’austérité budgétaire, tout cela après que les sociaux-démocrates aient eux même fléxibilisé le marché du travail et dérégulé l’économie: aujourd’hui, l’extrême-droite y est la seconde force politique et le SPD est en voie de marginalisation comme l’a été le PS avec François Hollande.
La France traverse une crise politique qui ne trouvera d’issue que par une réforme institutionnelle renforçant le rôle du parlement et du premier ministre, délimitant strictement le rôle du président et modifiant le mode de scrutin.
Une « grande coalition », tout comme hier la « troisième force », ne fera que reculer l’échéance avec in fine la victoire de l’extrême-droite et un désir de gouvernement fort.Compléments
Une pétition pour lancer une réforme institutionnelle. Je la soutiens, comme je l’argumente ce jour dans l’autre article.
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LÉGISLATIVES 2024: LE MOMENT PÉTAIN
Un moment clé
Au delà de l’horreur, ces élections législatives du 30 juin et du 7 juillet 2024 vont être des législatives historiques et tout démocrate devrait au fond de lui-même s’en réjouir. Elles sont une bonne nouvelle. Elles seront dans le futur le moment Pétain de notre temps, le moment où chacun, chacune aura été placé devant ses responsabilités politiques en tant que citoyen, citoyenne, électeur, électrice, acteur, actrice de sa destinée et de la destinée du commun.
Alors que le but de la manœuvre macronienne était de mettre en scène l’arc-républicain, c’est à dire la coalition des différentes factions de la république bourgeoise, elle offre pour la première fois l’opportunité de dessiner les contours de la seule république qui vaille, la République de la Démocratie Sociale, celle-là même inscrite dans le préambule de notre constitution. Celle dont nous venons de fêter le 80e anniversaire sur les plages de Normandie, celle du Conseil National de la Résistance.
Dans moins d’un mois, et presque 84 ans jour pour jour après que la république bourgeoise ait donné les pleins pouvoirs au salopard Pétain, ouvrant la voie au régime dictatorial raciste et nationaliste de collaboration avec le Nazisme, nous saurons enfin qui est qui, et qui préfère quoi.
Le piège de la 5e république

Comme l’avait très bien pressenti Pierre-Mendès France au début des années 60 dans cet ouvrage essentiel « Pour une République Moderne », toute institution comme la 5e république née d’un coup d’état et taillées pour un seul homme – aussi remarquable qu’il fut – nous destine à finir dans la dictature d’un seul, gouvernant dans l’intérêt de quelques uns. Parce qu’il ne peut y avoir de république que démocratique, et sociale, et parce que les trois termes de ce triptyque sont simplement indissociables. République Démocratique et Sociale.
Plébiscitaire, la 5e république brutalise le parlement, et de ce côté là, tant le lepénisme que le macronisme partagent le même fond totalitaire et une fascination pour le référendum chez les uns, le 49.3 pour les autres.
Comment croire qu’un référendum puisse être un instrument démocratique quand les médias sont la propriété de quelques bourgeois multi-milliardaires bien décidés à mettre ces médias au service de la protection de leurs propres intérêts quand ce n’est pas au service de leur idéologie suprémaciste? Comment croire que le 49.3 est un instrument démocratique quand il brutalise le temps long des débats nécessaires à l’élaboration des lois et à l’expression de l’intérêt général?
L’agonie totalitaire de la 5e république
Le lepénisme, tout comme le mirage centriste qu’a représenté le macronisme sont les deux faces d’une même monnaie, celle d’une république autoritaire et bourgeoise dans sa déclinaison plébiscitaire ou néolibérale, et toutes deux – toutes digues démocratiques abattues– les fossoyeuses de cette République Démocratique et Sociale rêvée par ces jeunes hommes, ces jeunes femmes assassinées par le régime criminel de Vichy.
L’interminable agonie autoritaire de la 5e république place ce qui reste de la gauche dans un moment de grande clarification. On peut regarder la situation actuelle d’un air désespéré, avec un sentiment d’urgence, sans espoir. Ou alors on peut se dire que « enfin, on y est ». Et que malgré toutes ses imperfections, mais né d’une réelle pression populaire au coeur même du corps démocratique de la société, le Nouveau Front Populaire ouvre le chemin vers de nouvelles perspectives qui vont bien au delà du seul scrutin des 30 juin et 7 juillet.
Vers la Démocratie Sociale
Des jours et des semaines qui viennent peut se lever une gauche nouvelle portée par un nouvel esprit de conquête militant, prête à esquisser les contours de cette nouvelle France qu’empêche de naître le consensus nationaliste, raciste, islamophobe, réactionnaire, néolibéral et sécuritaire.
Car la clé de ces législatives offre, pour une gauche ressourcée à sa base, la plus fantastique opportunité historique depuis des décennies: cesser enfin de regarder l’avenir avec les repères du passé. Et ainsi, par exemple, en créant les conditions politiques d’un barrage autours de son propre programme, liquider les séquelles du 21 avril 2002 et sortir définitivement du 21 avril permanent, celui qui a permis l’élection du plus réactionnaire et du plus autoritaire président de la 5e république, le plus dangereux pour les libertés publiques, Emmanuel Macron.
En marquant l’urgence du moment, dans une France où toute forme de débat est littéralement hystérisé, où les moindres positions critiques sont jetées en pâture par la petite clique des éditocrates réactionnaires sans culture, réduites à des caricatures quand on ne leur fait pas dire l’inverse de ce qu’elles disent, un pays sur le point de s’embarquer dans une aventure ultra-autoritaire, raciste et nationaliste, ces législatives vont nous placer, toutes et tous, face à un choix simple:
on laisse faire, ou on se dresse?Ce choix, au delà des personnalités politiques et au delà de toutes les réserves qu’aucuns ne manqueront pas de faire ici et là, chaque électeur et chaque électrice l’aura entre ses mains.
Refuser Pétain!
Ce sera notre moment Pétain, en référence à ce moment où une majorité de députés et sénateurs ont choisi de se déshonorer en votant les pleins pouvoirs au crevard Pétain après que les élites, politiques et militaires, aient abdiqué toute résistance pour protéger leurs intérêts en une « étrange défaite », pour citer Marc Bloch.

« Jamais nous n’avons été aussi libres que sous l’occupation allemande », a écrit Jean-Paul Sartre pour qui la seule et unique liberté était celle qui donne son sens à la vie, à l’existence: la liberté de choisir. Oui, le 30 juin et le 7 juillet, nous seront infiniment libres, d’une vraie liberté, de celle qui engage. D’une liberté qui forge le commun et fonde le corps civique.
Quelle que soit l’issue de ces élections législatives, et nous avons tous à l’esprit qu’elle peut être tragique, ce sera une nouvelle ère qui s’ouvrira. Si la gauche parvient à former un bloc unitaire rivé aux principes de la République Démocratique et Sociale, si dans le moment que nous vivons elle ancre au coeur de son unité l’impératif d’un réel antiracisme et le refus intransigeant de toute forme de violence policière comme fondement même de la Démocratie Sociale qu’elle entend bâtir, si elle se refonde avec la conviction que le sursaut réside dans un puissant mouvement social et l’exercice collectif du pouvoir, alors, elle aura pris rendez-vous avec l’histoire en poussant au dehors les bavards de plateaux réactionnaires qui parlent en son nom.
Elle aura créé les bases d’une réelle clarification et d’une authentique résistance, non pas au lepénisme ou au macronisme, mais plus généralement aux fondements idéologiques et aux rapports de classes qui nous ont conduits où nous sommes, dans cette société fragmentée et brisée par la pauvreté et le déclassement.Pour le Bloc Populaire
C’est l’unité autours des principes de la République Démocratique et Sociale qui garantira la pluralité des opinions et l’expressions des désaccords au delà du 7 juillet, que le Front Populaire l’emporte ou qu’il ne l’emporte pas.
S’il est un sens profond à donner à ce nouveau Front Populaire, c’est que le 30 juin et le 7 juillet, nous nous dresserons contre les pleins pouvoirs aux forces racistes, anti-démocratiques et anti-sociales coalisées et, que quelque soit l’issue de ces élections législatives, nous resterons unis en un puissant mouvement pour la victoire de la République Démocratique et Sociale.
LE 30 JUIN ET LE 07 JUILLET
VOTEZ
POUR LE CANDIDAT, POUR LA CANDIDATE
DU FRONT POPULAIRE.

